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06/06/2009

Comme une mère

Elsa, ou Zaza comme l’appelait sa mère, est assise par terre, au beau milieu du salon. Elle décide de rompre son isolement. Trop de solitude depuis la mort de sa mère.

 

Elle étale un journal sur le parquet. Ce journal contient de nombreuses petites annonces.  Elsa choisit la dixième : « Cherche une personne de confiance, expérimentée, sérieuse, méticuleuse, ayant l’habitude du ménage, pour le faire deux ou trois fois par semaine. 01.42.78.13.45 » Elle appelle.

 

              - Allô, Elsa?

C’est une femme, sa voix n’est pas claire. Il y a comme du vent qui souffle derrière elle. L’estomac de Zaza amorce un looping. Elle se force à se calmer. Comment cette dame connaît-elle son prénom ?

 

              - Oui, bonjour ! Je me présente, je suis Elsa Gentleux, je vous appelle pour la petite annonce dans le journal local.

              -Enchantée, je suis Clotilde Williams, je t’attend à 13 heures précises chez moi, au 19 rue Chanoinesse, dans l’île de la Cité.

 

Plus rien. Madame Williams a déjà raccroché. Elsa passe la nuit à faire des cauchemars, sa mémoire lui joue de drôles de tours. Dans son rêve, elle aperçoit une petite fille, les yeux brouillés de larmes. Elle doit avoir cinq ans tout au plus. Puis une femme est là, d’une quarantaine d’années. Elle ne semble pas voir cette petite qui pleure. Cette femme, qui est sans doute sa mère, a de longs cheveux blonds. Elle est  accoudée sur le Pont Neuf.

 

Elsa regarde sa montre, elle affiche 12h35. Elle décide de partir maintenant afin de marcher dans l’île de la Cité. Quand elle était petite, Zaza avait pris l’habitude avec sa mère de se promener le dimanche dans les parages. Depuis le décès de sa mère, Elsa n’y est retournée que deux ou trois fois. Une vague d’émotion la submerge lorsqu’elle arrive devant la cathédrale de Notre Dame. Elle en a les larmes aux yeux.

 

Elle se revoit faire la course avec sa mère pour monter les 380 marches afin d’atteindre la vue imprenable des tours. Elle souffre tellement de l’absence de sa mère. [répétitions]

 

La vue du square du Vert galant remue ses souvenirs, elle a le cœur battant et la mémoire galopante. Au fil de sa promenade, les détails lui reviennent. Le marché aux fleurs, flamboyant de couleurs avec des senteurs plus parfumés les unes que les autres, est toujours là sur la place Louis Lépine. Elle se revoit en train d’escalader la statue de Henri IV, et sa mère lui ordonnant de redescendre. Elsa déambule goûtant la liberté, lèvres closes.

Après le Palais de Justice, elle longe la Seine. Le fleuve aux eaux pourtant si calmes par habitude semble agitée par les gouttes d’eau venant la frapper. Les quelques rayons de soleil réussissant à percer à travers les nuages viennent se mélanger aux clapotis. La Seine prend de beaux reflets et on en oublierait presque que le temps n’est pas clément.  Elsa se retrouve devant la Conciergerie. Absorbé par ses pensées, elle songe à l’entretien avec madame Williams, chez qui elle espère arriver à l’heure. Une pluie froide plaque ses beaux cheveux bruns et lisses sur son crâne, des gouttes d’eau ruissellent sur son visage divinement proportionné, si fin, si délicat à la peau mate. Son maquillage coule de ses grands yeux bleus. Elsa s’apprête à appuyer sur l’interphone lorsque la porte s’ouvre, seule. Elle frappe à la porte. « Allez, allez, réponds ! » Vite, il ne faut pas qu’elle ait le temps de réfléchir, de faire marche arrière. Elle entend des pas. « Et voila ! » pense-t-elle au moment où on ouvre la porte.

Elle se retrouve face à Madame Williams.

Cette dame doit avoir une quarantaine d’années. Elle est si blanche qu’elle semble presque irréelle. C’est elle ! C’est la femme de son cauchemar. Un frisson la parcourt de la tête au pied.

 

              -  Oui ?

              -  Bonjour, dit Elsa en lui tendant la main. Je suis Elsa, je…

              - Oui je sais, interrompt Clotilde, Entre.

 

Elle la suit dans un couloir tapissé de moquette mauve. Clotilde l’invite à s’asseoir dans le canapé du salon. Madame Williams s’installe dans un fauteuil, face à elle, dans une attitude de mélancolie. La pluie redouble d’intensité dehors. Elsa regarde la cheminée sur laquelle un cadre attire son regard. Une petite fille la fixe, elle est sublime avec son grand sourire presque caché par un rideau de cheveux blonds. Elle ressemble étrangement à la fille de son cauchemar.

              - Je peux t’offrir un thé ?

              - Non merci, pas tout de suite. Je vais me mettre au travail.

 

Dans l’appartement, l’air est froid et tout parait figé comme si le temps été arrêté. Le tic-tac permanent de l’horloge rend l’atmosphère pesante voir douloureuse. Elsa s’affaire au ménage qui s’annonce pénible, les étagères sont poussiéreuses, ainsi que les meubles. Heureusement qu’il n’est pas grand.

Des photos en noir et blanc envahissent les murs : Une petite fille, toujours la même,  celle présente sur le manteau de la cheminée.

Le salon sombre est éclairé par un feu de cheminée, dont les reflets dessinent des silhouettes de meubles et la silhouette de Clotilde. C'est une dame de taille moyenne, une allure accablée soulignée par la maigreur de son corps. Son sourire paraît fragile, atrophié. Son visage pâle semble être celui d’une morte. Cette triste femme ne quitte pas des yeux la Seine. Quand aux alentours de quinze heures l’horloge sonne, madame Williams se tourne brusquement vers Elsa en la chassant de chez elle. Zaza ne comprend pas se comportement.

 

Au fil du temps, Elsa s’est habituée à partir à quinze heures précise. Elle apprend à connaître Clotilde. Au lieu de faire le ménage, elles jouent aux cartes ensemble sur la petite table en bois du salon. Elles créent ensemble une véritable amitié. Elsa se confie à elle, comme elle faisait auparavant avec sa mère. Madame Williams, elle, se dévoile peu, on sait seulement qu’elle a perdu sa fille, Jessica, qui aurait eu 15 ans aujourd’hui. [à supprimer, cela compromet votre chute] Après quelques mois Elsa invite Clotilde chez elle, afin de lui présenter son père. Mais madame Williams lui répond qu’elle aimerait mais elle ne peut pas. Grâce à Madame Williams, Zaza retrouve sa joie de vivre.

 

Puis arrive ce fameux jour. Comme à son habitude depuis qu’elle travaille, Elsa se promène dans l’île de la Cité avant d’aller chez Clotilde. Mais aujourd’hui elle prend un peu plus de temps à regarder tous ces monuments, qui lui rappellent de nombreux souvenirs. En regardant sa montre, Elsa accélère le pas, elle est en retard et madame Williams est exigeante sur l’heure. Zaza se met alors à courir. Le cœur battant, essoufflé, elle monte les marches de l’appartement quatre à quatre. Elle sonne, laissant son doigt sur le bouton. Pas de réponse. Elle frappe contre la porte, crie son nom. Rien ! [ici, il serait bon d'ajouter un passage qui montre l'héroïne pénétrer dans un appartement vide, aux meubles voilés, qui paraît inoccupé depuis dix ans...] Zaza redescend les escaliers comme un ouragan.

 

 

              - Hé, Monsieur, vous n’avez pas vu madame Williams ?

              - Madame Williams ? Vous êtes bien sur de chercher cette dame ? Elle s’est suicidée après la mort de sa fille. Elle a mis fin à ses jours en se jetant dans la Seine. Mais il y a bien dix ans de cela !

(Pauline Josse, Florian Roche et Anaïs Kassel)

23:35 Publié dans Ecritures | Lien permanent | Commentaires (0)

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