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06/06/2009

Notre Dame 2009

Attention ! Vous changez sans cesse de système de temps !

 

J’allume la télévision. Partout, des flashs spéciaux : fusillade à Notre Dame. J’éteins. Je sais déjà ce qui s’est passé. Tout a commencé une semaine auparavant.

          Je m’appelle Victoire Tancredy, j’ai 23 ans, j’habite un joli petit appartement qui donne sur Notre Dame. Je suis de taille moyenne, mes yeux sont bleus, mes cheveux noirs. Je suis tout ce qu’il y a de plus banal. J’ai mes qualités et mes défauts, comme tout le monde. Je suis très timide mais aussi très curieuse. Certains vous diront que ce sont des qualités, d’autres des défauts. J’aime le chocolat, la mode et mon travail. Je suis journaliste. Enfin, en ce moment j’essaie d’écrire mon prochain article, hélas je suis victime d’un horrible manque d’inspiration. D’autant que Linda Strauss, alias Flora des Roses, ma patronne, me harcèle au téléphone dans l’espoir que je lui rende enfin quelque chose…  Après tout j’ai bien quelque chose, j’ai même plusieurs pistes, mais elles sont tellement pathétiques ! Cela fait maintenant trois jours que ma vie se résume à dormir cinq heures par nuit, manger des sandwiches, boire des sodas, tout en  essayant, en vain, d’écrire un article ! D’un côté c’est plutôt de sa faute, le sujet est tellement stupide !     

    « -    Victoire, chérie, toi qui a une vue splendide sur Notre Dame, tu pourrais m’écrire un

       article sur la vie de quelques-uns de ses passants ?

-         Euh… c’est que…

-          Merci beaucoup trésor ! Il sera publié dans une semaine, rubrique vie quotidienne.

-          Oui, bien sûr Linda… »

Mais pourquoi est-ce qu’il faut toujours que tu acceptes tout, Vic ? Je suis sûre que Linda se rappelle très bien de ton CV, et du fait que tu écrives des articles de mode ! Bon ressaisis-toi. Je prends la décision de sortir prendre l’air afin de m’aérer l’esprit. Qui sait, peut-être que ça m’aidera à trouver l’inspiration pour rédiger mon article.

Cela fait maintenant trois heures que je suis assise sur ce banc à regarder les passants et cette splendide cathédrale. Je pourrais rester là des jours entiers, en ne faisant rien d’autre que de contempler cette magnifique œuvre architecturale : ses rosaces, ses portails, ses gargouilles, ses statues, ses immenses portes. Il était minuit et désormais, chacun avait rejoint son chez-soi. Ma contemplation des vitraux fut soudain troublée par une ombre difforme assise devant une des rosaces. Je m’exclame : « Il y a quelqu’un ? », aucune réponse. Je m’approche de la cathédrale, mais l’ombre se glisse à l’intérieur. Sans doute un  ensemble de vitraux formait-il une sorte de porte. [Attention ! A partir d'ici vous changez de système de temps !] Je me dis alors que j’étais victime du manque de sommeil, aussi rentrai-je chez moi. Je m’allongeai sur mon lit et m’endormis aussitôt. C’est le bruit du téléphone qui me réveilla à  14 heures, j’étais en pleine forme et de bonne humeur. Malheureusement pour moi, ce n’était pas le cas de Linda :

    « -     Victoire Stéphanie Alice Tancredy !

-          Euh… oui, répondis-je d’une toute petite voix.

-          Tu te fiches de moi ? Il te reste trois jours et tu ne m’as pas donné la moindre ligne !

-          C’est bon Linda, ne t’affole pas. J’ai trouvé mon sujet et je vais te l’écrire aujourd’hui et te le faire parvenir pour demain, à l’aube ! Ça te convient ? Linda ? Linda ! ».

 

Elle avait raccroché, ce qui voulait dire que ça lui convenait, et par la même occasion, que j’étais en sursis. Je n’avais pas le moindre sujet, il m’en fallait un, là, tout-de suite, sur-le-champ ! Je regardais par la fenêtre, il était là. Ou elle, peu importe, l’ombre était là, à la même place qu’hier soir. Ça y était, enfin, j’avais mon article ! J’allais raconter la vie de cette personne, si toutefois s’en était une.

 

À 21 heures, je sortis de chez moi pour me rendre sur le parvis de la cathédrale. L’ombre n’était plus dehors, mais qu’importe. J’entrai, et trouvai l’escalier qui menait au clocher. Là, un homme était assis, une jeune fille était à ses côtés. Ils discutaient. [Attention ! A partir d'ici vous changez encore de système de temps !]Je décide de les espionner, bien que ma conscience essaye de m’en dissuader. La jeune fille est d’une grande beauté, elle est grande et fine, a de longs cheveux bruns et de grands yeux sombres. Quant à l’homme je ne peux le voir puisqu’il était de dos. Elle se mit à lui parler.

«  -     On devrait sortir un peu, Quentin.

-          Moi, oui. C’est vrai, je pourrais. Toi, en revanche,  je te rappelle que tu es recherchée par la police dans tout le pays ! »

 

         Des pas se firent entendre dans la cage d’escalier, je me cachai derrière une grosse cloche. La silhouette inquiétante d’un prêtre se découpa dans l’encadrement de la porte. Ce prêtre était vêtu de noir, de la tête aux pieds. Quant à sa voix ténébreuse :

 «  -    Quentin ! Gronda-t-il.

-          Cache-toi Éléna ! s’exclama Quentin.

-          Ah ! tu es là ! Qu’est-ce que tu fais encore ?  Je t’avais demandé de laver les sols !

-          Euh… Oui… J’y vais tout de suite !

-          Il y a quelqu’un d’autre ici.

-          Non !

-          Ce n’était pas une question, Quentin ! Il y a quelqu’un avec toi, je t’ai entendu parler.

-          Je chantonnais.

-          Et  j’ai entendu une voix te répondre. Je dirais même que c’était une voix féminine. 

-          Euh…

-          Fred ! fit entendre une autre voix au bas des escaliers.

-          J’arrive ! répondit-il. Nous poursuivrons cette conversation ultérieurement.

Fred descendit, Quentin clopinant sur ses talons. Éléna s’assit sur un banc. Une dizaine de minutes passa, puis, des coups résonnèrent sur les vitraux, Éléna ouvrit la porte par laquelle Quentin était entré la veille, libérant le passage à un homme grand et fort. Il avait des cheveux blonds en broussaille et des yeux aussi foncés que ceux d’Éléna. Sous sa veste en cuir brillait la crosse d’un revolver, et sous son tee-shirt, se dessinait un gilet pare-balles. C’était certainement un policier. Mais pourquoi lui avait-elle ouvert si elle était recherchée par la police ? L’homme se pencha et l’embrassa. Sa présence dans le clocher rapetissait l’espace. La peur d’être découverte accélérait les battements de mon cœur, mon cerveau bouillonnait. Qui pouvait-il être ? Comme pour me répondre, Éléna prit la parole :

«  -    Tu ne devrais pas venir ici, Philippe.

-          Pourquoi ? Ça ne te plaît pas de me voir ?

-          Si, bien sûr ! Mais c’est que… Tu prends des risques en escaladant la cathédrale, tu pourrais tomber ou être vu et suivi.

-          Ne t’en fais pas… lui dit-il. Je voulais juste m’assurer que tout allait bien, que tu étais en sécurité ici. Je m’en vais maintenant.

-          Tu ne peux pas rester encore un peu ?

-          Flora m’attend. J’essaierai de revenir bientôt. »

Ils échangèrent des promesses et des serments, puis il repartit comme il était venu.

 

            Cela faisait maintenant une heure que j’étais là quand Fred entra. Éléna sursauta. Il s’approcha d’elle, lui parla pendant quelques minutes, mais si bas que je ne pouvais entendre. Soudain, elle lui intima l’ordre de sortir. Il partit. Éléna éclata en sanglots, frappant rageusement ses poings contre le mur, maudissant son impuissance. Puis, à bout de force, elle se laissa tomber contre le mur ; j’entendais encore quelques hoquets, mais elle s’apaisait. Sans doute était-ce une sans-papier, à moins que… Mes paupières s’alourdissaient, mes membres s’engourdissaient, je sentais le sommeil m’envahir et sombrai.

            Quand je me réveillai, Éléna parlait à Quentin. Pour la première fois, je pus voir le visage de ce dernier. Je n’avais jamais vu un tel visage : il était difforme ! Rien chez lui n’était symétrique, son nez était incroyablement tordu et ses dents empiétaient les unes sur les autres. Il était plus laid encore que je n’aurais pu imaginer Quasimodo dans le roman de Victor Hugo. Éléna pleurait et Quentin essayait comme il pouvait de la consoler. Elle lui racontait que tôt ce matin, alors qu’elle contemplait de son refuge le parvis de Notre Dame, elle avait croisé le regard de Philippe, mais qu’il n’était pas venu la voir. Soudain, Quentin s’emporta, visiblement jaloux de l’amour qu’Éléna portait à Philippe. Puis, il s’allongea devant la grosse cloche derrière laquelle je me trouvais. Heureusement pour moi, Fred l’appela et il descendit aussitôt. Éléna se rapprocha de l’ouverture qui lui permettait de s’évader par l’esprit au dehors. Je m’extirpai alors doucement de ma cachette pour gagner l’escalier et rentrer chez moi.

            Après un repas frugal, je commençais la rédaction de mon article. Trois heures plus tard, poussée par la curiosité et quelques fourmis dans les jambes, je retournai à la cathédrale munie de quelques vivres. Arrivée en haut des escaliers, je vis Fred s’approcher d’Éléna, toujours tournée vers les vitraux. Aussi, je me dépêchai d’aller m’asseoir derrière la cloche. Fred harcelait Éléna pour avoir une réponse. Dans un souffle et le regard noir, Éléna prononça NON. Alors, violemment, Fred la saisit par le bras, elle se débattit, le griffa et lui cracha au visage. Furieux, il hurla qu’il allait, de ce pas, la dénoncer à la police. Mais pourquoi ? Qu’avait-elle bien pu faire ? Je ne le saurais sans doute jamais. Vers 17 heures, il revint. Il attrapa Éléna et lui annonça que les policiers l’attendaient dehors. Ils approchaient des escaliers quand Quentin arriva. Il repoussa avec force Fred à l’intérieur du clocher. La dispute éclata violemment entre les deux hommes, puis, tout s’accéléra. Éléna me vit, s’approcha de moi, me parla. Mais sa voix se perdit dans un éclat de verre, ou plutôt dans une explosion qui couvrit ses mots. Terrifiées, nous nous retournâmes : Quentin, agenouillé, était prostré. Nous nous approchâmes du rebord de ce qui était, il y a encore quelques secondes, une rosace de vitraux. Nous vîmes un attroupement autour de Fred qui s’était écrasé au sol. Beaucoup de policiers, et, parmi eux, Philippe. Éléna dévala les escaliers, Quentin sur ses talons, la suppliant de ne pas sortir. 

  «   -     Ils vont tirer, lui dit-il.

-          Mais non Quentin. Ne t’inquiète pas, Philippe est avec eux.

-          C’est qu’il t’a trahie ! Ne sors pas.

-          Quentin, tu divagues, laisse-moi passer si tu veux rester mon ami… »

Puis, plus rien, je ne les entendais plus. Je m’approchai du trou laissé par le corps de Fred dans sa chute, je vis Éléna et Quentin sortir, les policiers armer leur fusil et tirer. Quentin tenta vainement de la protéger en s’interposant entre elle et les policiers. Il tomba le premier, touché par de multiples balles, puis Éléna s’écroula à son tour.  

Choquée, terrifiée, je m’assoie contre le mur, je tremble de tous mes membres, je pleure sans bruit, ma gorge est si serrée qu’elle ne peut plus émettre le moindre son.

             Après de longues heures, engourdie, frigorifiée, je remuai mes membres endoloris et titubant, je rentrai chez moi, étrangère au monde qui m’entourait. Je retrouvai mon nid, havre de paix. Je me précipitai sur la télévision, sur toutes les chaînes : flashs spéciaux sur la fusillade de Notre Dame.

             Dans les jours qui suivirent, je démissionnai de mon poste de journaliste, bien décidée à écrire un roman sur ce que j’avais vu. Ce qui ne soucia guère ma patronne, puisque c’était le samedi de son mariage avec un certain Philippe Faibhuss. 

 (Manon Combelas)

23:34 Publié dans Ecritures | Lien permanent | Commentaires (0)

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